N°2 - Gérard de Nerval - L'Art du Trait - La Sainte-Baume - Rennes le Château
La Licorne
 
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 Sceau N° 2
ANNÉE 1999
SOLSTICE D'ÉTÉ

GéRARD DE NERVAL

Et le secret de la Licorne

     Ç Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé È... Ainsi se définit Gérard de Nerval dans El Desdichado.  Le plus célèbre de ses poèmes marque toujours nos mémoires hallucinées, par tant d'incommunicables certitudes.  Le poète mit plusieurs années avant de choisir son nom de plume ; de Labrunie, il passa à Gérard, Louis Gérard, de Fritz, de Gerval, pour se fixer en 1831 au nom complet de Labrunie de Nerval.  Gérard de Nerval, c'est aussi Gérard le Narval -- mammifère marin proche du dauphin muni d'un appendice nasal en forme de corne spiralée.  Cet attribut orne dés le haut moyen-âge les cabinets de curiosité des plus grands princes d'Europe.  Cette "dent", par supercherie une fois coupée, fait office de corne de licorne. Elle était vendue à prix d'or, on en trouva une dans le trésor de la basilique de Saint Denis.  Laurent de Médicis, Rodolphe II, en possédaient une également.  Au XVIIème siècle, le subterfuge fut éventé et le narval reprit le chemin des muséums.
     De Nerval à narval, le glissement sémantique relève de la fantaisie d'auteur.  De Gérard à la licorne, la métamorphose transcende le moi et est l'exact reflet de ce que fut l'écrivain.  La Licorne, animal mythique par excellence, image emblématique de la pureté originelle, est aussi l'expression ultime de la force divine, prenant sa source au milieu du front, point névralgique de la "reliance" entre le visible et l'invisible.
     Hiérogamie sacrée, axe du monde fécondant, ce plexus vital enfante la lumière au cœur de l'Adepte.  Expression sublime de la vision triple, Gérard, grâce à cette corne d'abondance, boit sans répit, jusqu'à en perdre l'âme, au Graal mystique de sa condition.  Expression avancée du dérèglement des sens que prônera Rimbaud quelques années plus tard.  Ils s'accorderont tous deux à dire : Ç Je est un autre È.  Gérard, habité par le mythe du dioscure jusqu'à la folie, fut reconnu par ses pairs comme le plus grand des soleils noirs de son époque.  D'une érudition sans limite, ce maÓtre de l'occulte s'intéressa à tous les domaines de l'hermétisme.  Néoplatonicien convaincu, il célébrait une pansophie isiaque proche des écoles de mystères de la Grèce antique.   Il fit lui aussi son voyage en égypte, et c'est le 17 janvier 1843, après un périple en Méditerranée, qu'il découvre Alexandrie puis le Caire.  Un des buts avoués de son voyage est de se confronter aux grands initiés d'Orient -- les Druzes -- qui croient comme lui en la métempsycose.  Malheureusement, Gérard ne porte pas sur lui le horse, la fameuse pierre noire taillée en forme de bucrane, pierre de reconnaissance au XIIème siècle entre Templiers et Ismaéliens.  L'écrivain a côtoyé nombre de francs-maçons et une partie de son initiation personnelle lui vint sans nul doute d'Henri Delaage.  La lecture des ouvrages d'Emmanuel Swedenborg, notamment, n'est pas sans le marquer vivement, mais il ne fit jamais partie d'aucun cercle initiatique.  Sa capacité médiumnique, à l'égale de sa culture, était immense, et la seule société dont il fit partie était la mystérieuse société angélique, dont l'unique émergence connue trouve un point d'ancrage au XVIème siècle, grâce à l'imprimeur humaniste Sébastien Greif, à l'enseigne du griffon...
     L'homme qui aimait promener son homard (amore) tenu en laisse, dans les jardins du palais royal, et qui démontrait par la géométrie le mystère de l'immaculée conception, nous laisse une œuvre cryptée hors du commun et unique dans l'histoire de la littérature.  Au-delà de la poésie, le trobar clus est constant est par une mise en abyme "infernale" de l'inter-texte, le reflet des miroirs sans cesse renvoyé à l'infini incite à chercher le sens caché.
     Le 26 janvier 1855 à l'aube, Gérard se pend, rue de la vieille lanterne -- nom prédestiné -- à l'endroit précis où le romancier Gaston Leroux situera plus tard, dans un roman à clefs (Le roi Mystère), l'entrée du royaume souterrain.  Ç Le rêve est une seconde vie.  Je n'ai pu percer... È (ARTICLE COMPLET SUR ABONNEMENT).


LES BERGERS D'ARCADIE

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Gérard Labrunie (1808-1855)
Gérard de Nerval
(1808-1855)